Sacha Clément | Journal de bord

View Original

Montreux mon oeil

Le Montreux Jazz Festival (MJF). Il faut y être.

Non pas pour écouter les meilleurs sons.

Mais pour montrer ses plus beaux atours.

On sort ses godasses Gucci et sa chemise Tommy; ses bésicles Ray-B et son sac Louis-V — un vrai s’il te plaît —, et puis on se pavane.

Dans les rues de Montreux on déambule alors, pendant que les groupes se produisent dans des salles "qui ont parfois paru assez vides", dixit le boss du MJF.

Du Montreux jazz Festival, les puristes y ont disparu. Plus ou moins de tout d’ailleurs, des salles et des scènes désormais dévotes aux musiciens tendances, ceux du Billboard US.

Mais aussi des allées.

Finis, les vrais du jazz, les hardcore, les purs, les durs, les connaisseurs, 33 tours en sac, vanillés, ces bobos babas des concerts uniques, Miles Davis c’était bien avant, maintenant on y vient pour Pharrell Williams.
 

Col en V, trapèzes au vent et points sur les i, l'ABC de la frime, de A à Z on s'assume, on discute plan Q et point G.


Les showcases ne sont plus sur scène, mais dans le public. Les mecs y vont en solo, célibataires depuis toujours ou alors d’un soir, trinquent avec le copain, le menton haut. Les deux coudes sur le bar, dos au barman, le col en V ouvert, les trapèzes musclés, l’abécédaire de la frime, de A à Z on s’assume, on discute plan cul et point G, on met les points sur les i, torse glabre, buste en avant direction la foule: les concerts on s’en fout.  La jolie barmaid arrive qu’on se retourne - sa veste aussi si on est marié, tant pis pour la musique on va choper la mimi.

Les cachets des musiciens ont explosé. Mathieu Jaton: "nous perdons de l’argent avec les concerts". C'est bien connu, la vente d’album ne rapporte plus rien.

Alors on se rabat sur les prestations.

Désormais c’est grosse production pour le quidam — pourvu qu’il paie. Nine Inch Nails (NIN) y a tout déployé, "sa performance relevait du ridicule dans une salle de 4000 places", eux se croyaient à l’Arena de Genève non pas au Stravinski, mais ça tombe bien, le public aussi.
 

Désormais il faut faire du bruit, sur scène mais surtout sur les réseaux sociaux.


Désormais, il faut faire du bruit. Dans le Lab du Montreux Jazz, mais aussi sur les réseaux sociaux. Un set acoustique, accroche-cœur, bien vivant, personnel et communicateur, celui qui prend aux tripes du public, ça ne clique pas sur Facebook.

A Montreux, le visiteur paie le prix fort.

Non pas pour écouter les meilleurs son du MJF. 

Mais pour entrer au m’as-tu vu.
 

Au Montreux Jazz, c'est du m'as-tu vu.