Sacha Clément | Journal de bord

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Le ski, ça va ça vient

Ce sont les gestes répétitifs qui font la vie, sa quintessence, ce va-et-vient qui assure la descendance.

En plus de la reproduction, les descentes à ski.

Le va-et-vient.

Les allers et retours.

La descente en lattes, avant la remontée mécanique.

Sur les pistes on décortique le déhanché — vitesse assurée ou forcée, allure forcée ou assurée.


On descend une piste de ski à la va-vite, on godille et on slalome à la recherche du mouvement parfait et d’altérité absolue, on observe son vis-à-vis, sa tenue — lunettes Oakley Sutro ou bésicles Ray-Ban, pantalons baggy ou skinny, veste bigarrée ou logo péremptoire —, on décortique le déhanché — vitesse assurée ou forcée, allure forcée ou assurée — et sa prédisposition au beau — skis serrés, oui ou non.

Mais dans tout ça c’est l’accumulation des descentes qui fait le passionné: 08:30-16:45 pour l’aficionado, 10:30-14:00 pour le bobo — y compris son repas au restau — alors que la journée coûte un bras, il faut l’amortir, cuisses qui chauffent et dos endolori pour le premier, tandis que le second, accoudé au bar, cherche à exhiber sa monture cocasse sur ce poignet blingbling. Car sur les pistes, le pauvre n’existe pas, encore moins peut-il survivre, CHF 72.—la journée en moyenne, sans le matériel ni son en-cas, et sans son mauvais café chiffré à une thune.

Sur les pistes on reconnait le boomer au casque qu’il ne porte pas, alors que l’attirail Go Pro a disparu des casques des milléniaux précurseurs.


Sur les pistes on reconnait le boomer au casque qu’il ne porte pas, alors que l’attirail Go Pro a disparu des casques des milléniaux précurseurs, eux-mêmes devenus jeunes parents adipeux qui traînent une progéniture qui braille à la simple vue d’une paire de chaussures de ski, même estampillées Pat Patrouille.

Mais alors, pourquoi descend-on les pistes à brûle pourpoint, alors qu’on sait la queue qui nous attend au remonte-pente? Pourquoi dévale-t-on le talus, si c’est juste pour le remonter? Serait-ce la recherche de l’adrénaline ou cette pointe de vitesse affichée au radar tandis que les pistes sont encombrées? Ou est-ce si simplement l’après-ski?

Le ski.

Le va-et-vient.

Descendre et remonter.

L’apparence de la montagne.

Mais aussi la sienne.