La danse (et les regards coquets)
Il entre dans la pièce cahin-caha, slalomant entre tables et chaises désossées de cadavres, bouteilles vides, verres vidés cul-sec, écumés pêle mêle par des gens aussi pleins que vides de toute sobriété.
Il s'avance. Déambule. Patibulaire. Ne courbe point l'échine, la posture haute et la tenure fière. Sa prestance s'élève parmi les travées, sublime, élégant. Il existe ici l'ivresse. Ivres de joie, les gens. L'ivresse et la faconde, les gens.
Dans la salle, on fait des pas et on échange des regards.
Sous l'emprise de la musique et sur la piste, ça se dévergonde tout à fait. Ce n'est plus la danse qui fait le couple, c'est le couple qui crée la danse. Alors, on y songe enfin: danser, c'est une succession de pas, un héritage de mouvance, un legs à partager. Le régime est aussi draconien que matrimonial, aussi paternel que vaguement spontané. Ca flirte. Ca se bécotte. Ca s'entrelace. Ca s'amourache.
On ne danse pas avec quiconque, on ne danse pas avec autrui, on danse seulement pour de l'acquis.
Toujours, les regards s'échangent. Ca regarde par delà les travées. Beau gosse par ci. Beauté plantureuse par la.
Les esprits s'échauffent au moins autant que les cœurs; ça suinte l'ivresse des échauffourées câlines, l'alcool ruisselle pour les âmes égarées; clins d'œil ici, sourires là; les sempiternels échanges de numéros de portables vaquent ainsi.
Quelle débauche. Quels excès. Quelle exubérance.
Personne n'est à l'abri de rien. Surtout pas d'une idylle passagère. Surtout pas d'une conquête coquine, frivole, passive, sous l'emprise de tout sauf de la raison.
Vive l'amour.