Riche d'être père
L'artiste vient de la télé-réalité, mais oubliez ça. Son nom est Claudio Capéo, mais vous ne le retiendrez pas.
Sa chanson passe en boucle sur MCM Top, mais oubliez ça. Elle s'appelle Riche, mais elle ne vous le rendra pas.
Ce titre a d'ailleurs tout de l'œuvre typiquement populaire: en l'écoutant les midinettes se gaussent de la beauté virile du mâle, voient sa barbe hipster et la voix gangster. Les mecs un brin trop fiers, eux, au volant de la BM 4x4 de papa-maman, écoutent la mélodie doucereuse, puis soudainement curieux: "qu’est-ce que ça peut faire, d’être père?". Dans l'habitacle climatisé ils écoutent cette chanson, jusqu'au moment du feu rouge du centre-ville, alors avant d'ouvrir les fenêtres vite on zappe sur ce rap français, arrive Kalash Criminel, qui fait trembler les vitres - le mec espère faire vibrer les copines sur le trottoir.
Mais revenons-en à Riche.
Elle s'appelle Riche, mais elle ne vous le rendra pas.
C'est la chanson d'un père.
Qui parle à son fils.
Des grands ont passé avant Capéo, à retranscrire cette joie indescriptible d’être papa: Cat Stevens en putatif; Radiohead devenu paternel; John Lennon en daron. Et voilà qu'arrive Riche.
Ceux qui le sont, pères, comprennent. A écouter les paroles en boucle, les larmes montent, on pense au petit qui gambade pas bien loin, les premières dents qui pointent après le sourire édenté; nous voilà coincés au boulot, loin du cœur, on rêve de rentrer, prendre le bonhomme et sa maman dans ses bras, le cœur qui palpite et les émotions qui montent, on laisserait tout tomber pour le petit.
Etre père. Qui l'eût cru?
Comment l'appréhender?
Comment s'y préparer?
Stromae: "Tout le monde sait faire des enfants. Mais personne ne sait comment faire des papas."
On revient à Riche: "Ne sois pas un grand homme, sois juste un homme, grand." Oscar Wilde renchérirait: sois juste toi, petit bonhomme; de toute manière tous les autres sont déjà pris.
"Tu seras peut-être pas le meilleur mon fils. Mais pourtant moi, je serai fier." Quoi que tu fasses. Et pour toujours.
"A quoi ça sert d'être riche. Quand on est riche d'être père" C'est l'inquantifiable. En couple et sans enfants, c'était les belles vacances et les sorties nocturnes. Avec le petit, c'est les vacances à la maison et les réveils nocturnes.
Le voir main dans la main avec sa maman, grand sourire: l'extase.
Pour le petit on sacrifie tout. Se lever la nuit pour soigner une fièvre qui pointe: facile. Le laver après une fuite inopportune: un plaisir. Lui souffler le genou après une chute indocile: indélébile. Le premier selfie avec maman: jubilatoire. Le voir grandir en enchaînant les étapes de la vie: irremplaçable. Le prendre dans ses bras en rentrant du boulot: magique. Le voir main dans la main avec sa maman, le sourire authentique: l'extase. L'entendre dire la première fois "je t'aime": formidable, et larmoyant.
"Tu seras peut-être pas le plus fort mon fils. Mais à deux, on sera millionnaire."
Et si, d'ailleurs, c'était le moment d'avoir un petit frère?