Ô diable les chauvins! Vive la France!
Pour Charles-Ferdinand Ramuz, d'un dévoué admirateur
Pourtant, on les aime bien nos voisins français. Ils sont nos amis tout à fait, un peuple d’êtres gentillets, qui aiment faire causette et boire le vin.
Ils parlent beaucoup, ceux qu'on appelle aussi les coqs. Ils râlent souvent, se plaignent toujours, un vrai sport national s'il en faut. Ils portent bérets et s'accommodent du pain quotidien, voilà la sotte réputation qui poursuit au-delà des mers et des monts.
Et puis la télé. Quand vient l'heure du sport -- Jeux Olympiques, Tournoi des Six Nations, Coupe du Monde de football ou Championnat du Monde de handball qu'importe -- on adule sa patrie plus qu'il n'en faut, ça frise l'impolitesse, la cacophonie, un poulailler qu'on dit.
C'est qu'ils sont chauvins, les français. Et ils s'indignent. Et ils jugent la moindre contre-performance comme une faute professionnelle. Et estiment que gagner doit être une logique, pas une aubaine. Mort aux arbitres!
Depuis le tube cathodique, les hurluberlus crient très fort; s'égosillent. Il y'a celui qu'on nomme Nelson Montfort. Lui pose des questions longues et exige des réponses courtes. Il est la vedette de son propre interview; dans le milieu, on s'inquiète de lui, on lui prête un narcissisme accru; et puis aussi Gérard Holtz, on l'entend hurler au micro, il surprend l'auditoire de ce ton caustique. Les voilà tous deux qui s'indignent à présent, et déjà argument les choix des arbitres, et questionnent la domination adverse, ne sont-ils pas dopés; et s'irritent ici et là du sort que le hasard réserve à leur entrain; le tirage au sort n'est-il pas truqué, et voilà qu'ils cherchent excuses à leurs manquements sportifs; et voilà qu'encore et toujours, ils s'indignent de ne pas dominer toutes disciplines dehors.
Mais ils ont de qui tenir. Le chauvinisme n'est-il pas, après tout, la mouture d'un certain patriote français, j'ai nommé ici Nicolas Chauvin, dévoué soldat et fidèle disciple napoléonien?
Et ils charognent, ces commentateurs. Lui, si beau français, pas titulaire? Vergogne! Et eux, Alexis Vastine et Nordine Oubaali, honnêtes cocardiers, boxeurs superbes, comment n’ont-t-il pas gagné? Horreur! Damnation! Feu de Dieu, qu'ils soient éhontés, la patrie doit vaincre, que Son règne vienne, que Sa volonté soit faite.
Au Diable les vauriens. Vive la France.