Epicure est mort. Vive la luxure
Epicure, ô Epicure, pourquoi vouloir veiller au grain? Pourquoi si peu d'eau dans ton vin? Chez tes modestes sous-fifres, quand ça parle de grosse bouffe ou de modeste ripaille, ça a tendance à en faire tout un plat, à chercher, un brin pinailleur, le poil dans l'œuf.
Cuisson et présentation, service et qualité, saveur et origines: au restaurant comme chez les amis, on épluche son assiette, on astique son menu, on décortique chaque plat, chaque mets avec une tension palpable. Le moment où l'assiette fait son entrée triomphante, le monde s'arrête de tourner, les conversations s'interrompent, les yeux se rivent sur l'assiette, il flotte comme une odeur de crainte, la peur de ne pas apprécier l'offrande, le cuisinier a-t-il seulement bien travaillé?
Et au premier grain de sel, chez les durs à cuire comme chez les ronds de flan, on s'affole, on ronchonne, la descendance dite épicurienne pleurniche comme une madeleine, sa patate qui en a gros sur le cœur. Un repas de raté, une journée de gâchée.
Pourtant, inutile de cracher dans sa soupe, la nourriture est une denrée rare et divine, qu'il faut apprendre à savourer absolument. S'empiffrer davantage que le corps n'en dispose, c’est s’acoquiner au beurre, à l’argent du beurre, tout en se dédouanant de tout embonpoint superflu.
Au fait, la gourmandise n'est-elle pas un pêché capital?
Mais attention. Car désormais, Epicure ne suffit plus. La nourriture vit au rythme de son temps: on veut toujours plus, plus d'exotisme, plus de saveurs, plus de découvertes, davantage d'excellence. Dorénavant, il faut manger du sperme de cabillaud, s'essayer au steak de lion et aux viscères de langoustes. Les tripes d'asticots, les pieds d'éléphant. Comme chez les Gastronautes d'ici et d'ailleurs.
Epicure, ton heure est passée. Vive la luxure!