Moi je.

Certains aiment parler d'eux. Le "moi je" se conjugue alors au singulier.

De ceux-là, certains apprécient aussi les autres, surtout quand ils parlent d'eux-mêmes.

Ensemble, ca philosophe, ca épilogue; on se raconte et on apprend, on digresse et on explique, on s'explique, on justifie, on amplifie, on rigole. En soi et entre sois: on partage. 

Mais gare. Ce "moi je": une horreur. Nombrilisme. Égocentrisme. Unilatéralisme. Comme feu Narcisse, tellement amoureux de lui-même qu'il s'est laissé mourir de faim, trop attaché à regarder son reflet dans un miroir aquatique. Mort pour s'être vu trop beau: cause toujours, narcisse. 

Celui qui dit "moi je" doit ainsi finir moisi, cramoisi d'avoir voulu n'être que pour sa propre pomme; puni par son ego, diable que c'est laid ce "moi je", qu'il pourrisse attiré par son propre reflet. 

Il attend la tournée des autres et boit leurs paroles.

Quand certains parlent trop, on dit qu'ils aiment s'écouter. Quand d'autres se taisent, on dit qu'ils n'aiment pas les blablas éphémères ni les longues futilités; eux préfèrent se taire que de parler pour ne rien dire. 

Dire "moi je" serait donc impoli; laisser les autres causer ce serait dès lors le respect. 

Mais le volubile contre-attaque: "J'aime parler de moi, car j'aime que les autres parlent d'eux." 

Ah ha. 

Quant au discret qui se tait, il ne pipe mot, écoute les autres peupler l'atmosphère, histoire d'ensuite pouvoir échanger, discuter, digresser et apprendre du "moi je". Il attend la tournée des autres et boit leurs paroles, gouffre de biaisé, ensilateur de mécréants enchanteurs, la parole des autres contre la sienne, la boisson et la passivité.

En soi et entre sois: on partage.

Alors, est-il davantage égoïste de ne rien dire aux autres, ou de parler de soi.

Pour une fois, le "moi je" dira tres laconiquement, "non". 

 

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