Blackened
*Journal de bord, d'un musicien aux idées sombres.
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On aimait toutes les couleurs, pourvu que ce soit du noir.
Éclectiques, on écoutait tous les genres, pour autant que ce soit d'une noirceur absolue, si possible du métal bien lourd, heavy metal à fond, black metal sans discontinuer.
On portait nos Dr. Martens stoïquement, mais encore fallait-il qu'elles soient noires, si possible avec la coque escamotée, ça faisait genre bien lourd, éventuellement loubard.
Noir, noir, noir - noir avant tout et pour tout.
Nos vestes Bombers - noires, faut-il seulement le préciser? - se portaient les manches retroussées, ceux qui osaient tenter le modèle vert militaire frisotaient avec le ridicule; noir, noir, noir - noir avant tout et pour tout.
On rêvait magie noire, on portait nos t-shirts noirs teintés aux couleurs d’un groupe de heavy metal rouge sang, chaussettes noires, le Blackened de Metallica nous perforait les tympans sous notre casque noir, nous étions fièrement assis sur notre vélomoteur Puch métallique sprayé à la couleur sublime.
La Vodka, elle, se buvait blanche et sèche, pure et à la dure
Dans l’attitude, il fallait donner l'impression de broyer du noir, ingurgiter de la bière à tout-va, voire du mauvais vin (pinot noir). Seul interdit, secrètement autorisé, l'unique opprobre à la couleur divine: la Vodka. Elle se buvait blanche et sèche, pure et à la dure, gare aux cuistre qui osait transgresser la loi, s'enfiler une rasade de Vodka Pink, Green ou Red, ça c'est pour les nanas, mauviette va.
Et on braillait alors au DJ, liquette de Cannibal Corpse vissée au corps: "mets-nous un truc qui déménage, t'as pas du Mortician?"
On regardait alors le mec d'à-côté, seul au bar, tout de noir vêtu, parfaite connivence avec nos pensées sombres. Il s'envoyait un shot de Vodka Black, le fourbe.
Loser va. Quelle faute de goût de boire de la Vodka noire.
Eux aimaient toutes les couleurs, pourvu que ce soit du noir