Dans le blanc des yeux
Gabi Huber est là, droite comme un i, les mains dans le dos, le costume droit, cintré, tout sauf bigorne; la bouche en cœur devant un parterre de journalistes; la main sur le cœur elle le jure: elle dira toute la vérité.
En face d'elle, la horde. Comme face à Geri Muller.
Traduction: Gabi Huber ne va rien dire
Ils sont là, debout, arc-boutés vers l'arrière, aspirés aux abysses, droit dans le mur, comme aimantés hors du cadre. Ils font volte-face.
Le premier, oeil incrédule, tient le micro du bout des doigts, le plus loin possible de madame son opinante, mais lui tendrait-il l'hostie?
Volte-face! Par le doigt (le premier); la bouche (la seconde); le regard (en troisième)
La seconde a la bouche pincée, "révulsée!" semble clamer cet air de moue furieuse.
Le troisième cambre la tête, regarde par en bas, presque de coin, l'air de dire: "mais qu’est-ce que tu racontes?"
Justement, Gabi ne dit rien. La légende de la photo confirme: "elle commente la décision de ne pas prendre position".
Les journalistes semblent vouloir l'éviter à tout prix. Être le plus loin possible d'elle. Est-elle seulement contagieuse? Si elle est là pour confirmer ne rien vouloir dire, les journalistes, eux, sont là pour l'entendre confirmer le néant, le vide, des non-dits ou des dit-on subliminaux.
Dans le blanc des yeux, avant le syndrome?
Son discours sera dénué de tout.
Vide de sens.
Immaculé de blanc.
Le blanc, donc.
Peut-être ces journalistes craignent-ils le syndrome de la page blanche?
Gabi n'a certainement pas dit son dernier mot; les journalistes ont-ils peur d’avoir écrit leur dernier?