Le bal des diplomates
C'est le bal des voitures diplomatiques.
A l'entrée du parking, la pluie est féroce, bat à intervalles régulières. L'éclairage urbain est feutré, sombre. La rue l'est au moins autant, les perles d'eau qui rebondissent pêle-mêle sur un asphalte rabiboché. Le point de fuite qui mène à l'entrée du bâtiment semble lointain. Un attroupement s'y recense, lieu de connivences, point de mire entre gentlemen's à l'agreement préfabriqué.
Les voitures se suivent, arrivent en cadences rapprochées.
Limousine bleu marine.
SUV gris pusillanime.
Break Volvo troubadour.
Audi S4 côté cour.
Au volant des voitures affublées des plaques CD, dites Corps Diplomatique, les chauffeurs privés. Leurs tenues sont cintrées, propres sur l'homme. Ils conduisent des hommes et des femmes dignitaires ou résidents d'ambassades; des ambassadeurs dignes, parfois quelques modestes sous-fifres issus de pays pédants, l'Ouganda, la Turquie ou l'Allemagne.
A l'arrière des carrosses et au travers de vitres parfois teintées, on distingue péniblement l'habitacle: des gens riches issus de pays pauvres. Souvent, ce sont de modestes descendants qui atteignent, allez savoir comment, le glamour des cimes hiérarchisées. Certains dorment, d'autres pianotent sur leur Smartphone ou leurs laptops bébêtes. Les femmes dignitaires -- toujours bien représentées, il faut le souligner --, ont droit à la manucure, leurs collègues, elles, ajustent ce chapeau pourtant déjà vissé sur le crâne.
Devant un tel défilement, le valet de parking se rhabille, lui qui encaisse, sous la pluie et sous son parapluie, les flots des Dieux depuis l'aurore. Pluie. Vent. Tempête. Les ambassadeurs arrivent pimpants et fringants. Le valet, de son côté, attend trempé et rabaissé.
Pendant la cérémonie des hautes sphères, les ambassadeurs consomment champagne et petit-four, sans modération. En attendant, les chauffeurs attendant frigorifiés, avec un mauvais café que le valet de parking leur a gentiment apporté.
La solidarité de bas-étage.
A chacun sa place.
A chacun son rang.