Brabeck, faciès d'or, profile doré.
Peter Brabeck est riche, probablement. Peter Brabeck est célèbre, certainement. Sur ses épaules augustes, il trimbale une responsabilité idoine: la charge des quelques 333,000 employés du groupe Nestlé. Leurs vies, leurs futurs, tous dépendent de lui. Lui avec une minuscule, même si sa fonction pourrait lui octroyer la majuscule de l'être suprême; il peut influencer la faim dans le monde, il peut mettre fin à tout ou presque, tant son emprise semble mondiale. Des responsabilités peu communes donc, Klaus Schwab (WEF) dit de lui qu'il est l'un des dix hommes les plus influents du monde. Lui n’est donc pas du commun des mortels.
Et puis ce visage. Ce faciès argile. Buriné à l'extrême. D'une beauté effarante. La gouaille est cabossée par l'inestimable expérience, elle-même agrémentée par les affres de la salle de réunion du Board. La réflexion qui creuse les plis, le visage qui se forge, qui craquelle sous le poids des négociations.
Il y'a aussi la chevelure parfaite qu'on imagine aisément poivre-sel. Il y'a ce regard ténébreux, mi-clair mi-transi, un regard qui doit glacer le sang; tantôt sang chaud Peter Brabeck, tantôt sang froid, PB, même au moment d'affronter ses collègues raffinés dudit Board.
Sur la photo de Cottet, on ne sait pas si Brabeck cherche à faire peur (son oeil droit, noir perçant, format capitaliste), ou s'il cherche quelqu'un du regard (son oeil gauche, bleu persan, format social).
Ses tempes restent garnies, lui reste le gardien du temple Nestlé. Son goître plissé dépasse légèrement du col, on le sent en forme, PB, il doit arpenter les salles de réunion comme les montagnes (sa passion), comme les salles de sport: un matin à Shanghai, le suivant à Hong Kong, le surlendemain à Tokyo.
Son œil gauche est clairsemé, ton bleu ciel, non pas d'une embûche, mais d'une sonde lubrique, lascive. L'œil droit est taciturne. Morne. Sanguin. Il doit mystifier son auditoire. Implacable vérité, les chiffres parlent, et le font pour lui, 10 milliards de bénéfice en 2013.
50 ans chez Nestlé, ça use un homme. Ça le marque. Ses rides sont d'ailleurs parfaitement extatiques. Sommairement peintes par delà la glaive reluisante d'un visage limé de stress. C'est qu'il doit courir, PB, d'un actionnaire à l'autre, d'un coin du monde au suivant. Représenter Nestlé. Représenter le lobby de l'agro.
On l'imagine un brin capitaliste, PB.
Mais on l'imagine aussi chérir enfants et petits enfants, à la manière qu'il chérit ses employés. Ou pas.
Mystère PB, mystérieux cliché. Mais quelle beauté.