La notification
10:30.
C’est la réunion semestrielle, la préférée du Big Boss.
Celle des chiffres. Et des performances financières.
Dans l’amphithéâtre désormais climatisé de la PME grandissante, 500 employé.es, on l’écoute sagement le Grand Sage, tout à fait savamment.
Tout du moins fait-on semblant.
Le CEO déambule sur scène, encense le Board, remercie les cadres, applaudit la meute.
Merci les gars, dit-il à haute voix, du haut du podium.
Vive nos bonus, se chuchote-t-on à voix basse, du fond de son siège.
Et puis, las du blabla, le personnel s’endort littéralement, vaque mentalement. Il se cure le nez des ambitions du boss et s’en moque de ses remontrances. On ne tend l’oreille que pour l’oseille, désormais seul le mot bonus résonne, cette prime qui sera nôtre, on compte sur les doigts ce qui arrivera sur notre compte.
On ne tend l’oreille que pour l’oseille, désormais seul le mot bonus résonne, cette prime qui sera nôtre, on compte sur les doigts ce qui arrivera sur notre compte.
Pour que le temps file, on jette un coup d’œil à ses collègues attirant.es, ou alors on lustre sa montre, son cadran; on s’est justement assis à côté des cadres, histoire de montrer son rang.
Et puis c’est le sursaut.
Dzzzzz.
Dzzzzz.
Dzzzzz.
Dzzzzz.
Dzzzzz.
Tout le monde sort de sa torpeur.
11:14.
Les notifications tombent.
Cinq.
Qoqa — Qwine— Qsport— Qkids — Qbeer
En l’espace de quelques secondes, on se contorsionne sur son siège pour extraire son smartphone XXL de sa poche de jeans slim; synchrones les regards se baissent, on regarde ce portable, qu’on a discrètement gardé vers les cuisses.
C’est Qoqa.
On scrute les offres reçues, ô la bonne affaire, l’aubaine.
Et puis on pense à ce bonus qu’on va toucher.
Et comment on pourrait vite le dépenser.
Attirer l’attention, Qoqa a réussi là où le Big Boss a échoué.